Avant de parler de greffe fécale, nous présentons quelques données de base sur le microbiote intestinal, pour les détails, photos et explications, le site de l’INSERM est particulièrement riche et explicatif : https://www.inserm.fr/dossier/microbiote-intestinal-flore-intestinale/
Le microbiote est l’ensemble des micro-organismes qui vivent dans un écosystème défini. Pour l’être humain, on en identifie plusieurs dont celui de la peau, du nez/bouche/pharynx, des poumons, du vagin (♀) et bien sûr le plus important, celui du système digestif : le microbiote intestinal (appelé précédemment flore intestinale).
La présence de micro-organismes intestinaux est connue depuis le début du XXème siècle, Ilya Metchnikov (1845-1916), professeur d’origine russe, travaille dès 1888 à Paris, à l’Institut nouvellement créé par Pasteur, sur l’inflammation, l’immunité innée et sur les microbes intestinaux. Cependant, c’est surtout avec les technologies récentes de séquençage haut débit qu’on a gagné en connaissances sur les rôles et les caractéristiques des micro-organismes intestinaux, quelles espèces, leurs nombres, leurs gènes.
Le microbiote intestinal a une masse d’à peu près 2kg et est constitué d’environ 1013 microorganismes (1g de matière fécale c’est 100 milliards de microorganismes) : bactéries, virus (bactériophages), champignons, levures, parasites… Il est situé sur les parois de l’estomac (milieu oxygéné et acide) et de l’intestin grêle (acidité et oxygène en diminution) mais se concentre surtout dans le colon (milieu sans oxygène ni acidité). Le microbiote est propre à chaque individu, même s’il existe un socle commun d’espèces de bactéries : parmi les bactéries anaérobies, on distingue cinq grands groupes dont les deux plus importants en nombre : les Firmicutes (Clostridia, Lactobacille) et les Bacteroidetes (Prevotella). Les autres groupes sont les Actinobacteria (bifidobactérie), les Proteobacteria (Eschericia coli) et les Verrucomicrobia (Akkermansia).
Ces différents micro-organismes participent à l’équilibre du microbiote qui se constitue progressivement dès la naissance au contact de la flore vaginale et/ou des micro-organismes de l’environnement. Les bactéries aérobies colonisent en premier le système digestif et consomment l’oxygène dans l’intestin favorisant ensuite le développement des bactéries anaérobies. Alimentation, hygiène, environnement, génétique, traitements médicaux vont influencer l’évolution du microbiote intestinal pendant les premières années de la vie (2 à 3 ans) jusqu’à atteindre une certaine stabilité à la fois qualitative et quantitative.
Cet équilibre pourra cependant être modifié par les mêmes éléments cités, ainsi que la fluctuation des hormones sexuelles œstrogènes et testostérone. A chaque individu correspond donc un microbiote particulier.
Un élément qui apparait dans les multiples études réalisées est l’importance de la biodiversité du microbiote pour être en bonne santé.
Les rôles du microbiote intestinal (en plus d’assurer son propre métabolisme) sont multiples :
- digestif
- assimilation des nutriments (par sécrétion d’enzymes)
- hydrolyse de l’amidon, cellulose, polysaccharides
- fermentation des résidus alimentaires non digestibles
- synthèse des vitamines
- métabolique
- absorption des acides gras
- absorption du calcium, du magnésium, du fer
- immunitaire
- barrière
- sécrétion de substances bactéricides
- maturation du système immunitaire (équilibre lymphocytaire)
- neurologique
- dans le rythme circadien.
Dans le cas d’un dérèglement du microbiote intestinal, on parle de dysbiose. Au vu des nombreux rôles joués, l’étude de ces dysfonctionnements devient un élément important pour comprendre l’origine de certaines maladies auto-immunes, métaboliques, inflammatoires, neurodégénératives.
Parmi les troubles du fonctionnement directement liés à l’intestin, on peut citer le trouble fonctionnel du côlon irritable, la maladie cœliaque (intolérance au gluten), l’infection à Clostridium difficile ou les maladies inflammatoire chroniques de l’intestin (MICI) qui comptent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique,
Les maladies telles que l’obésité ou le diabète de type 2, révèlent chez les patients des microbiotes altérés. Les pratiques alimentaires jouent un rôle important dans ces pathologies. Dans l’obésité, le déséquilibre populationnel entraine une modification du métabolisme des micro-organismes et des variations dans l’assimilation des nutriments, le stockage des graisses, la production d’hormones digestives liées à la satiété.
Dans le cas du diabète de type 2 qui est souvent associé à l’obésité, certaines bactéries amplifient la réaction inflammatoire et une résistance à l’insuline, d’autres renforcent la cohésion des cellules de la paroi intestinale et diminuent l’inflammation intestinale. Les microbiotes présentent des différences significatives avec ceux d’un individu normal, d’où la possibilité d’envisager des greffes de microbiotes.
Comme indiqué le microbiote intestinal a une influence directe sur le système immunitaire systémique. Il s’avère qu’il joue aussi un rôle dans la sensibilité aux infections pulmonaires comme celles induites par la grippe. Des métabolites dérivés du microbiote tels que les Acides Gras à Chaine Courte (AGCC) ou les molécules pro-inflammatoires (LPS) passeraient en plus grand nombre la barrière intestinale et influenceraient la défense immunitaire.
D’autre part, on parle de plus en plus de l’axe cerveau-intestin et du rôle potentiel du microbiote dans les maladies comme celle de Parkinson, d’Alzheimer ou la dépression. Voir notre résumé de Comment le microbiote intestinal influence-t-il le cerveau ? How gut bacteria alter the brain, by Cassandra Willyard https://www.nature.com/articles/d41586-021-00260-3
Agir sur le microbiote semble une voie prometteuse même si elle n’est pas aussi simple qu’on pourrait l’imaginer. Aujourd’hui, pour agir sur le microbiote, on peut faire appel à l’antibiothérapie mais elle touche un large spectre de bactéries, aux phages qui sont plus sélectifs ou à la greffe fécale. Des pro- et prébiotiques pourraient aussi jouer un rôle dans le rééquilibrage du microbiote. On dispose aujourd’hui de probiotiques basés sur des aliments fermentés et des études sont en cours sur des probiotiques de seconde génération issus du microbiote (des bactéries déjà en cours de test chez l’animal devront être évaluées chez l’homme, avec l’espoir d’une mise sur le marché d’ici trois à cinq ans). Cependant, la complexité du microbiote et de son fonctionnement est grande et toute modification demande des précautions.
La greffe fécale est aujourd’hui autorisée uniquement dans le traitement de l’infection par la bactérie Clostridium difficile. Le déséquilibre du microbiome dû à cette infection entraine des diarrhées récurrentes graves, des douleurs abdominales et des nausées. La bactérie prolifère plus particulièrement dans un intestin dont la flore intestinale a été perturbée à la suite d’un traitement antibiotique et/ou chez des patients hospitalisés en chirurgie. Cette pathologie est difficile à soigner par antibiothérapie et la réussite du traitement par Transplantation de Matière Fécale (TMF) provenant d’un donneur sain indique l’importance du bon équilibre du microbiote intestinal qui est rétabli grâce à la greffe. Si le taux de réussite est très élevé (90%), sa réalisation nécessite des précautions. Pour toute greffe fécale, il est important d’identifier les bons donneurs afin d’assurer l’effet positif attendu. Certains critères tels l’absence de tabagie, de surpoids, de prise de médicaments comme des antibiotiques,… sont à prendre en compte ; le protocole de don doit aussi être précisé et respecté. La posologie est ensuite à définir: doses, répétition, intervalle entre doses, moyen d’implantation (sonde, coloscopie, gélules gastro-résistantes)… La compatibilité du donneur avec l’effet recherché est donc à analyser soigneusement au risque de transmettre une nouvelle susceptibilité pathologique.
La greffe fécale semble aussi très prometteuse en appui oncologique, des études, en cours, ont identifié des bactéries qui soutiennent l’action de l’immunothérapie. Le but de l’immunothérapie est de stimuler les défenses immunitaires afin qu’elles aient une action antitumorale. Il semblerait que la greffe fécale augmenterait le nombre de patients répondeurs à l’immunothérapie et ceci sans effet secondaire grave. Ces études réalisées en France (2021) sur un petit nombre de patients doivent être confirmées et surtout il s’agit d’identifier les bactéries qui agissent de façon aussi encourageante.
Pour des informations précieuses et actuelles, le site du Groupe Français de Transplantation Fécale est à ne pas manquer : https://www.gftf.fr/
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