Une « mécanique des fluides » à grande échelle…. Que se passe-t-il du côté du Gulf Stream ? Il semble que ce courant océanique de l’Atlantique Nord devienne moins puissant.
Comme le montre le schéma que l’on retrouve dans le 6ème rapport du GIEC (ou IPCC), le Gulf Stream fait partie des deux circuits de l’Atlantique Nord : la Circulation Méridienne de Retournement Atlantique (AMOC, Atlantic Meridional Overturning Circulation) et le tourbillon subtropical (Gyre). Issu du Gyre, les eaux chaudes du Gulf Stream remontent vers l’Atlantique Nord, deviennent de plus en plus denses à mesure qu’elles se refroidissent et coulent pour se mêler aux eaux profondes de l’Atlantique et former ce courant profond qui retourne vers l’équateur à environ 1500 m sous le Gulf Stream (d’où le nom d’AMOC, retournement, un peu comme un nageur qui culbute en bout de piscine).
Le Gulf Stream est le courant le plus important de l’Atlantique Nord. Ce courant chaud (5°C à 15°C plus chaud que les eaux environnantes) transporte environ 30 milliards de kg d’eau par seconde et transfert ainsi sa chaleur aux régions qu’il traverse. Le flux d’eau chaude venant des zones tropicales se refroidit, à mesure qu’il se déplace vers le nord, par son contact avec l’air sec et froid (il y a échange thermique et évaporation) et il se densifie donc peu à peu ( aussi grâce à l’augmentation de la salinité due à la formation des glaces) pour plonger en eaux profondes. Ce refroidissement des eaux correspond à un réchauffement des côtes européennes et à leur climat tempéré actuel. Un affaiblissement du Gulf Stream entrainerait donc des modifications climatiques pour l’Europe avec des hivers plus rudes mais aussi une montée des eaux sur la côte Est des Etats-Unis.
Les scientifiques indiquent que même si l’AMOC ralentit dans un climat réchauffé (ce qui est projeté dans de nombreux modèles climatiques), le Gulf Stream serait moins impacté et ne s’arrêterait pas complètement, et ceci même si l’AMOC devait disparaitre. En effet, la contribution du tourbillon subtropical (Gyre) au Gulf Stream est de 2 à 10 fois plus importante que l’AMOC. Une diminution de l’AMOC entrainerait cependant un affaiblissement du Gulf Stream avec des conséquences climatiques encore difficiles à jauger.
Le site https://www.severe-weather.eu/global-weather/gulf-stream-collapse-amoc-weakening-usa-europe-fa/ offre quelques belles cartes présentant l’évolution des relevés de températures et de salinité du Nord de l’Océan Atlantique.
Et qu’en est-il de la stabilité du Gyre ? La rotation de la terre impose la localisation de ce courant dans le bassin occidental de l’Atlantique. On retrouve également cette position dans le Pacifique Ouest pour le courant Kuriosho, mais il n’y a pas de courant de retournement similaire à l’AMOC dans le Pacifique Nord. Les tourbillons qui entrainent les eaux de surface, résultent essentiellement de la force des vents. Comme la position et l’amplitude de ces vents ne semblent pas devoir changer beaucoup (cependant l’influence des jets streams d’altitude reste à vérifier), ces tourbillons vont continuer à jouer leur rôle de transfert d’énergie thermique depuis l’équateur vers les pôles.
Revenons dès lors à l’AMOC, des études paléoclimatiques ont mis en évidence des changements significatifs de l’AMOC lors des grands changements entre périodes glaciaires et interglaciaires. Une légère diminution de ce courant est attestée pour le dernier millénaire mais des études récentes mettent en évidence un affaiblissement important de 15% depuis les années 1950. D’après Niklas Boers (Potsdam Institute for Climate Impact Research, Boers, N. Observation-based early-warning signals for a collapse of the Atlantic Meridional Overturning Circulation. Nat. Clim. Chang. 11, 680–688 (2021). https://doi.org/10.1038/s41558-021-01097-4), ce courant présente deux modes opérationnels, l’un faible et l’autre fort qui est celui que nous connaissons actuellement. Des mesures de flux, de sédiments, des relevés de température de surface et de salinité à travers tout le bassin atlantique soulignent des modifications. On ne peut pas encore indiquer si l’AMOC a passé son point de transition pour basculer vers son mode faible, mais une contribution à ce ralentissement pourrait être la fonte des glaces au Groenland et celle de la banquise Arctique qui modifient la qualité des eaux océaniques (température augmentée et salinité diminuée dues à l’apport important d’eau douce) et limitent la force du courant. L’AMOC pourrait ainsi ralentir et le transfert de chaleur du Gulf Stream s’affaiblir avec des conséquences climatiques graves pour les deux côtés de l’Atlantique Nord.
Une autre conséquence concernant le ralentissement de l’AMOC, est étudiée par M.H. England (Océanographe à l’Université de New South Wales à Sydney, Australie). L’excès de chaleur, créé dans l’Atlantique Sud tropical par l’affaiblissement de l’AMOC, entrainerait des variations de pressions atmosphériques avec comme conséquence une modification de la force des vents dans le Pacifique. Ces vents renforcés pourraient entrainer des eaux chaudes vers l’ouest et engendrer des conditions favorables à La Niña (Interbasin and interhemispheric impacts of a collapsed Atlantic Overturning Circulation, Nature Climate Change, https://www.nature.com/articles/s41558-022-01380-y, 2022 06 06,).
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