Un article remarquable de Quanta Magazine par Georges Musser(GM) sur les dernières recherches de la Physique théorique (notamment celles d’Ahmed Almheiri de l’IAS) https://www.quantamagazine.org/the-black-hole-information-paradox-comes-to-an-end-20201029/ :
De l’information peut s’échapper d’un trou noir, voilà qui est contradictoire avec la Théorie générale de la relativité d’Einstein. En effet, d’après Einstein, la gravité exercée par un trou noir est telle que rien ne peut s’en échapper. Il apparait aujourd’hui que de l’information s’échappe grâce à la gravité elle-même, gravité ordinaire combinée à des effets quantiques… Hawking et ses collègues ont cherché à décrire la matière à l’intérieur et autour des trous noirs en utilisant la théorie quantique et aussi la gravité telle que l’a décrite Einstein : soit une approche hybride appelée semi-classique. Hawking a étudié les conséquences de la formation de paires de particules virtuelles près de l’horizon des événements (à la « surface du trou noir ») : l’une des particules si elle apparait à « l’extérieur », et l’autre à « l’intérieur », peut donc s’échapper en emportant de l’énergie (d’après la physique quantique, il se crée partout et en tout temps une particule et son antiparticule).
Les nouveaux effets identifiés (résumés dans l’article de Quanta d’après les dernières publications) respectent la théorie d’Einstein et ajoutent des éléments à l’approche semi-classique que Hawking n’avait pas inclus, ces effets dominent lorsque le trou noir devient extrêmement vieux et, d’un milieu clos devient ouvert.
A noter que l’espace-temps se heurte au trou noir et amène à penser que ce concept ne serait pas la base mais la structure émergente de quelque chose de plus profond. Même si Einstein a conçu la gravité comme la géométrie de l’espace-temps, sa théorie inclut aussi la dissolution de l’espace-temps, ce qui expliquerait pourquoi l’information peut s’échapper de sa prison gravitationnelle.
Donc, si nous reprenons: un trou noir, lorsqu’il intègre un corps, y ajoute l’information contenue dans ce corps, et cette information peut être associée à une entropie. Au trou noir, qui est un système thermodynamique, on peut donc associer une entropie et aussi une température (proportionnelle à la gravité régnant à sa surface): ce qui signifie que le trou noir rayonne de la chaleur…. comme identifié par Hawking en 1975. Mais, s’il y a rayonnement de type thermique (et dissipation de l’énergie totale du trou noir jusqu’à évaporation finale) cela conduirait à dire que de l’information est perdue (l’information contenue dans un rayonnement thermique est dégradée), ce qui entre en conflit avec un des postulats de base de la mécanique quantique de conservation de l’information quantique. Là réside le paradoxe.
Don Page, qui a travaillé au début de sa carrière avec Hawking, s’est intéressé à ce qui se passe entre le début et la fin du trou noir, en étudiant la quantité connue comme entropie d’enchevêtrement ou entropie d’intrication : entre ces deux états (entropie nulle au départ, et à la mort du trou noir nulle également) que se passe-t-il ? D’après Page, cette entropie suit une courbe en v inversé… Le schéma de Samuel Velasco dans Quanta Magazine propose un résumé de la situation : « selon les calculs de Hawking, l’entropie d’intrication augmente jusqu’à la mort du trou noir et selon Page, après avoir atteint un maximum, elle diminue progressivement puisqu’elle s’échappe ».
Comme indiqué dans l’article, il suffit donc de calculer cette entropie d’intrication… pour savoir qui a raison… plus facile à dire qu’à faire puisqu’il a fallu trois décennies pour y arriver… Georges Musser, l’auteur de l’article présente le concept de dualité AdS/CFT (concept imaginé par J. Maldacena) qui a été utilisé pour ces calculs d’entropie.
Ici, nous allons faire simple (très simple) : il s’agit de faire correspondre à un objet tridimensionnel, son image par holographie bidimensionnelle. Les physiciens sont ainsi capables d’identifier quelle partie de la masse est en relation avec quelle partie de la frontière et quelles propriétés des deux entités se correspondent : GM : « La clé pour relier les deux côtés de la dualité est ce que les physiciens appellent une surface quantique extrémale. Ainsi, la surface quantique extrémale relie le concept géométrique de l’aire, au concept quantique de l’intrication, ce qui donne un aperçu de la façon dont la gravité et la théorie quantique pourraient ne faire qu’un…. »
Au début de leurs calculs, l’entropie d’intrication augmente comme Hawking et Page l’ont prévu et identifié, mais… GM : « soudain une surface quantique extrémale se matérialise juste sous l’horizon des événements, et devient le facteur majeur de l’entropie conduisant à une baisse. Les chercheurs (dont N. Engelhardt) comparent cet effet à un changement de phase comme l’ébullition ou la condensation. »
De notre côté, pour simplifier, nous dirions que la description donnée peut aussi être visualisée comme la perte d’énergie par une chute de niveau d’énergie, d’un électron avec émission d’un photon. Mais alors la courbe descendante serait… une fonction en escalier ?
Pour résumer, les étapes du trou noir sont présentées dans le schéma établi par Samuel Velasco/Quanta Magazine. Les chercheurs ont constaté que le trou noir et les rayonnements suivaient la même courbe de Page, indiquant que les informations doivent être transférées entre les deux mais on ne sait toujours pas comment. (A noter que les calculs effectués étaient réalisés à une dimension, et non pour un espace tridimensionnel)
Donc, les trous noirs libèrent de l’information…
Après un certain temps, les équations indiquent que les particules au cœur du trou noir ne font plus partie du trou noir mais bien du rayonnement, elles ne se sont pas échappées mais ont simplement été réaffectées. Et comme elle ne font plus partie du trou noir, elles ne contribuent plus à l’entropie et cette dernière baisse. Les chercheurs appellent ce cœur “l’île” et le trouvent « surprenant », un autre mystère à élucider…. Des particules qui sont dans le trou noir,… mais qui n’en font pas partie… des trous noirs qui libèrent de l’information, oui mais on ne sait pas comment ?
Georges Musser développe encore son article avec l’introduction des trous de vers et le calcul des « path integral » de Feynman…
A rappeler que ce n’est que tout récemment qu’on a pu « voir l’image d’un trou noir » en avril 2019. L’équipe du programme EHT (Event Horizon Telescope qui se base sur un ensemble de radiotélescopes, répartis à la surface du globe, dont les observations sont synchronisées) a construit un cliché du trou noir de 6,5 milliards de masses solaires niché au centre de la galaxie voisine M87. A suivre donc les observations du EHT et des observatoires d’ondes gravitationnelles Ligo et Virgo, qui pourront aider à percer à jour cette énigme des trous noirs et de la « physique » associée.
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