Il semble, en effet, que le microbiote intestinal puisse améliorer les effets de thérapies anti-cancéreuses. Aujourd’hui, avec les nouvelles méthodes de séquençage, il devient plus facile de caractériser le microbiome, sa composition, ses fonctions, son impact sur la physiologie et sur l’immunité. En analysant le microbiote intestinal de patients répondeurs ou non aux immunothérapies, on a ainsi identifié des éléments de ce microbiote qui seraient favorables aux actions des immunothérapies.
Petit rappel sur l’immunothérapie : elle vise à débloquer l’immunité vis-à-vis des cellules cancéreuses. Il s’agit de cibler des protéines tumorales comme PD-L1 et des récepteurs PD-1 de lymphocytes T dont la liaison empêche le système immunitaire d’attaquer les cellules tumorales (PD-L1 lié à PD-1 signifie que la tumeur ne peut être attaquée via la protéine PD-L1 et que PD-1 lié, empêche le lymphocyte d’attaquer la tumeur). Il faut donc rendre accessible PD-L1 et/ou les récepteurs PD-1 afin d’appliquer une immunothérapie, par exemple anti-PD-1 ou anti-PDL1 associée ou non avec des anti-CTLA4 (CTLA4 est impliqué dans des mécanismes de freinage des lymphocytes T).
On a donc observé des divergences entre les microbiotes intestinaux des patients répondeurs et non répondeurs aux immunothérapies. Et, il existe de nombreux liens et interactions entre le système immunitaire et le microbiote intestinal. Les analyses ont effectivement souligné des différences des microbiotes des patients : les répondeurs présentaient des taux élevés de Firmicutes et des taux bas de Bacteroidetes. Or, le microbiote intestinal comprend des Firmicutes et des Bacteroidetes : entre 60 et 80% de Firmicutes et 20 à 40% de Bacteroidetes (+ des Actinobacteria et Proteobacteria). Sur cette base, l’étape suivante a été de réaliser des TMF (Transplantation de Matière Fécale) de donneurs sains pour étudier si les réponses aux immunothérapies des patients cancéreux étaient effectivement meilleures avec des microbiotes équilibrés.
Ainsi, les résultats de deux « petites » études*, ** (dizaine d’individus avec mélanome métastatique et sans bras de contrôle ) publiées en 2021, ont souligné l’effet bénéfique attendu de la TMF. Et, point important à souligner, sans effet néfaste, malgré le contexte d’immunodépression dû au cancer et aux traitements. La preuve du concept a été faite : la TMF peut jouer un rôle positif dans le traitement par immunothérapie du cancer.
*Baruch et al science 2021 Fecal microbiota transplant promotes response in immunotherapy-refractory melanoma patients https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33303685/
**Davar et al science 2021 Fecal microbiota transplant overcomes resistance to anti-PD-1 therapy in melanoma patients https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33542131/
Mais les mécanismes qui peuvent expliquer cette efficacité restent à élucider, les interactions mises en jeu pour favoriser l’immunothérapie sont encore à déchiffrer. Il est donc essentiel d’étudier de façon toujours plus approfondie le microbiote intestinal pour identifier de façon précise les microorganismes favorables ou défavorables à la réaction immunitaire.
La connaissance du microbiote permettra d’évaluer l’efficacité attendue de l’immunothérapie et dans le cas d’un microbiote déséquilibré, il sera envisageable de réaliser une TMF pour favoriser l’action de cette thérapie et pouvoir ainsi offrir un traitement actif, combinant les deux thérapeutiques.
Il est d’autre part aussi crucial de préserver un microbiote sain à travers toutes les thérapies et d’envisager le maintien de cet équilibre : il s’agit, non seulement d’assurer un microbiote en équilibre, mais aussi un microbiote favorable aux thérapies.
En France, la recherche est très active. Par exemple, des informations concernant des études en cours et passées, sont à retrouver sur le site GFTF Groupe Français de Transplantation Fécale. On peut retrouver sur ce site des appels à donneurs et receveurs pour différentes études qui couvrent un large panel d’applications en oncologie, pour le traitement de la maladie de Crohn ou la prise en charge de porteurs de bactéries hautement résistantes.
De nombreuses questions restent ouvertes quant aux mécanismes qui sous-tendent l’efficacité des immunothérapies et les processus qui lient le microbiote à l’immunité, mais la recherche apparait très prometteuse. A suivre donc…
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