L’article de Viviane Callier pour le Magazine Quanta : « Inside cells, droplets called condensates merge, divide, and dissolve. Their dance may regulate vital processes » : A l’intérieur de nos cellules, des gouttelettes appelées condensats, fusionnent, se divisent, se dissolvent. Leurs interactions (valses) semblent être à la base de procédés vitaux…
L’article original en anglais : https://www.quantamagazine.org/molecular-condensates-in-cells-may-hold-keys-to-lifes-regulation-20210107/
Dans son article, Viviane Callier présente le rôle essentiel que semblent bien jouer les condensats, des gouttes qui s’assemblent très rapidement et au sein desquelles les réactions cellulaires peuvent se produire (comme des gouttes d’huile dans l’eau). Ces gouttes apparaissent comme un milieu catalyseur qui permet aux réactifs de rentrer en contact.
Nous voyons dans nos livres de biologie des schémas remarquables qui présentent les voies de signalisation et les étapes successives des différentes molécules qui sous-tendent le fonctionnement cellulaire. Cependant, ces réactifs sont toujours présentés de façon solitaire, or dans la cellule, l’importance du nombre de ces réactifs et leur concentration est primordiale. Les réactifs comme leurs produits sont présents en bien plus grand nombre.
Si le désordre régnait au sein de nos cellules, il serait difficile d’y exécuter les fonctions indispensables qui y sont réalisées, de parcourir certains trajets, d’y retrouver son ligand, d’y fabriquer des protéines à partir d’ARN messagers, … Il y a bien sûr des organelles délimitées par des membranes à la surface desquelles se déroulent de nombreux échanges et réactions, mais l’ensemble reste difficile à définir.
Des études récentes ont montré que le fonctionnement des cellules est plus organisé qu’il n’y parait et que les condensats y jouent un rôle important. Comme V. Callier l’écrit dans son article, des protéines s’assemblent de façon transitoire en condensats, en réponse à des forces moléculaires qui permettent la formation et la dissolution de ces gouttelettes. Ces gouttes ou condensats isolent des protéines du reste du cytoplasme pour permettre des réactions spécifiques. Ces mécanismes très rapides prennent place, à la suite de changements de concentrations ou de modifications chimiques de protéines.
V. Callier présente le travail de plusieurs biologistes cellulaires :
- Gary Karpen: University of California, Lawrence Berkeley National Laboratory,
- Anthony Hyman: Max Plank Institute of Molecular Cell Biology and Genetic,
- Cliff Brangwynne: Howard Hughes Medical Institute investigator at Princeton University,
- Stephanie Weber: Université McGill, Montréal,
- Michael Rosen: Dallas University of Texas Southwestern Medical Center,
- Lindsay Case: Massachusetts Institute of Technology.
Dans son article, l’auteure reprend les propositions avancées par les chercheurs pour expliquer
- la formation des gouttelettes : Brangwynne propose une germination à partir d’un agrégat primaire de molécules interactives, suivie par une oligomérisation,
- l’expression des gènes (avec le rôle du nucléole) et la production des protéines,
- l’inactivation des gènes dans l’hétérochromatine,
- la formation des filaments (rôle de la (dé)phosphorylation, l’obtention de microtubules à partir de tubuline).
Les mécanismes présentés décrivent le rôle des condensats dans le fonctionnement cellulaire mais soulignent aussi leur importance dans le cas de pathologies dégénératives. Ainsi, Anthony Hyman étudie, dans ce contexte, le rôle de la protéine FUS dans la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) et celui de la protéine tau qui forme des agrégats, qui sont la marque de plusieurs maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou le Parkinson. Sa question est pourquoi il n’y a pas d’agrégat dans les cellules saines. Son explication est basée sur la concentration élevée d’ATP qui joue le rôle d’hydrotrope (additif qui augmente la solubilité de molécules hydrophobiques) et permet la solubilisation des protéine hydrophobique (« ATP as a biological hydrotrope », Science, 19 May 2017: Vol. 356, Issue 6339, pp. 753-756, DOI: 10.1126/science.aaf6846) et comme la production d’ATP diminue avec l’âge, serait-ce sa diminution qui entrainerait l’apparition de maladies comme l’Alzheimer ou la SLA ?
Les biologistes voient dans cette approche des condensats, beaucoup de solutions aux mécanismes intracellulaires. L’idée d’un comportement collectif de molécules qui agit à vitesse prodigieuse, et pas seulement une paire de réactifs, est riche d’enseignements. C’est une nouvelle voie pour repenser de nombreuses questions en attente de réponses (comme les sujets de recherche décrits dans l’article de V. Callier). Et elle associe physique, chimie et mathématique pour expliquer les bases de nos métabolismes biologiques, une solution scientifique à la fois complexe et complète.
Pour suivre le travail de Cliff Brangwynne, on peut aussi se reporter à ses cours d’introduction sur la séparation de phase: https://cbe.princeton.edu/people/clifford-brangwynne. Bien sûr, il y a un pas entre la réalisation de la séparation de phase dans un tube à essai et la démonstration de sa fonctionnalité in vivo. Brangwynne pense que la séparation en phase liquide est une force motrice déterminante du fonctionnement cellulaire, mais il reste à découvrir comment est-ce que ça marche réellement.
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