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Pour comprendre l’importance des océans rien de mieux que la projection de Spilhaus, Athelstan Spilhaus (1911 – 1998), géophysicien et océanographe, Américain d’origine Sud-Africaine, qui en 1942 représente les océans comme la masse d’eau unique qu’ils forment, avec au centre une île immense et glacée, l’Antarctique et en bordure, nos continents :

Source : The global importance of the Southern Ocean, and the key role of its freshwater cycle, Ocean Challenge, Vol. 23, No.2 (2019) : des courants de surface (en rouge) et en profondeur (en bleu).

Cette carte permet de voir à quel point cet océan austral joue un rôle majeur dans l’équilibre climatique de notre planète. Le courant circumpolaire antarctique est directement lié à tous les océans (sauf l’arctique à l’autre pôle de notre planète).  Une masse d’eau unique avec des interactions innombrables, des courants influencés par les vents, les profondeurs des planchers océaniques, les masses de glaces en présence, la variation de densité du sel dans les eaux… Ce puissant courant circulaire, le plus puissant de tous, entraine des masses d’eau colossales. C’est un lieu d’échanges essentiel entre l’atmosphère et les masses d’eaux qui stockent chaleur et CO2 pour les entrainer dans les profondeurs. Une autre représentation plus habituelle à nos latitudes, représente ces courants marins et leurs échanges de chaleur avec l’atmosphère.

La circulation thermohaline mondiale repose principalement sur les mélanges verticaux des eaux en profondeur. Elle redistribue la chaleur de l’Équateur vers les pôles. Hugo Ahlenius, UNEP/GRID-Arendal, CC BY-ND

Avec cette présentation, il apparait plus clairement que le Gulf Stream qui réchauffe l’Europe est aussi largement dépendant de ce courant polaire venant du sud. Or, un affaiblissement du courant atlantique augmenterait les épisodes de tempêtes et de sècheresses sur l’Europe. L’influence tempérée de l’océan serait réduite. La modification du courant entrainerait aussi une augmentation du niveau de la surface des eaux sur la côte est des Etats-Unis.

Cependant, encore aujourd’hui, cette région australe est difficile d’accès et les données la couvrant sont peu nombreuses. On parle de désert de données, en particulier en hiver, lorsque le continent antarctique double sa surface par ses mers glacées. Les vents y sont les plus forts et le froid qui y règne limite le prélèvement des données. Il suffit de penser aux noms donnés par les marins à ces latitudes australes : les 40ème rugissants, les 50ème hurlants et les 60ème mugissants.

Toute donnée collectée, particulièrement en hiver, a donc une haute valeur ajoutée. Si les robots peuvent prendre en charge une partie des mesures, la collecte directe et in situ d’échantillons d’eau et leur analyse sont nécessaires pour une compréhension aussi complète que possible des phénomènes océaniques. On comprend mieux les raisons de lancer une expédition à bord d’une plateforme habitée de recherches océanographiques, dans ces zones extrêmes : le Polarpod de Jean-Louis Etienne dont on peut retrouver les détails nombreux et précis sur le site https://www.oceanpolaire.org/expedition-polar-pod/. La construction de ce navire très particulier doit débuter en janvier 2022 et permettre sa mise à l’eau en 2023 pour démarrer l’expédition fin 2023 et sillonner pour une durée de deux à trois ans l’océan Antarctique.